En avoir le coeur net

Accueil Coeur de glacier En avoir le coeur net Sous la glace

   «Cette année, l’hiver est bien plus rude que d’habitude, les glaciers semblent tenir le coup.

   -  Rappelle toi Izko, ta frayeur l'an dernier dans cette caverne ténébreuse. J'ai bien cru que tu allais y rester.

   Les pales de l'hélicoptère grondèrent dans la nuit noire. Tout à coup le pilote parut inquiet.

   -  Que se passe-t-il Taz ?

   -  C'est étrange, le moteur ne réagit plus normalement. Izko, Itoun, Abraz, mettez votre gilet de sauvetage et accrochez-vous. »

   Ce furent les derniers mots de Taz.

   … Quand ses yeux se rouvrirent, Izko  vit d’abord la banquise. Elle s’étendait, infinie, sur des kilomètres aux alentours.

   Des débris de carlingue par centaines. Un sac, étrangement intact, d’où émergeait l’ours en peluche porte-bonheur d'Itoun. La banquise puis le silence, un silence pesant, un silence glacé. Petit à petit, il se rappela l'hélicoptère, ses amis, la mission qu'il devait effectuer, les derniers mots de Taz.

   Son cœur était de glace : il découvrait peu à peu l’ampleur du désastre. Il revenait de loin.

   Des lambeaux de peau, du sang recouvraient cette plaine blanche si pure habituellement. Alors il comprit, il ne restait que lui. A coups de couteau, il tailla la glace et bâtit un refuge, un igloo de fortune pour se protéger des vents mortels.

   Une nuit à penser, une nuit à veiller pour être sûr que des animaux affamés n'allaient pas venir le manger, n'allaient pas prendre le peu de vie qui lui restait.

   Le jour vint, il fut très long.

   Trois jours avaient maintenant passé. Les maigres réserves d’Izko étaient épuisées. Il fallait trouver de quoi subsister. Il ne voyait qu’une seule solution, une solution vraiment inimaginable et qu’il avait pourtant imaginée.

   Il hésita longuement, ses larmes gelées devinrent stalactites … Son instinct de survie fut plus fort que le lien d'amitié qui le liait à Taz depuis trente-trois ans.

   Le froid ralentit même les cœurs les plus purs. Ames sensibles s’abstenir.

    Ensuite il décida de se mettre à marcher pour affronter le destin : il partit. Il marcha encore et encore. Il ne sentait même plus les engelures qui transperçaient les chairs de ses mains et de ses pieds.

  Deux lignes tracées dans la neige, encore une illusion ?

  Non, les lignes se précisaient au fur et à mesure de ses pas : des traces parallèles.

  Un scooter des neiges était passé là sans qu’il le voie, sans qu’il l’entende, à la recherche des disparus sans doute. Les traces étaient fraîches, un espoir fou l’envahit. Alors il revit ses enfants, sa femme. Il leur avait promis de fêter Noël en famille : ils devaient être inquiets. Il s'imaginait déjà les serrer entre ses bras. Il avait repris de la vigueur, son pas était moins lourd.

   Soudain l'objet de sa vie de chercheur apparut surgissant de nulle part. Il paraissait sortir du glacier. Les Inuits l’appellent Nanouk. C’était un ours magnifique, au pelage d'un blanc immaculé. Izko oublia alors son combat pour survivre. Sa passion de naturaliste l’avait rattrapé.

   Deux bandes de banquise longues et infinies semblaient se rejoindre à l'horizon.

   Au milieu, l’entrée d’une cavité dans laquelle l’ours entra calmement. Izko décida de suivre l’animal.

   Pour que ses amis ne soient pas morts pour rien ? Pour que ses recherches aboutissent ? Pour connaître le mystère de l’ours.

   La neige tombait fine et continue. Elle l'enveloppait tel un linceul. Il entra dans la caverne et nul ne le vit jamais en sortir.

 Dans la fabrique

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